Tous les films sont muets - Textes de Brakhage inclus S'intéressant d'abord à la peinture expressionniste abstrait, Stan Brakhage a réalisé plus de deux cent films en quarante ans. Sa volonté persistante de filmer comme on voit "les yeux fermés" l'a amené à réaliser ces films entièrement peints à la main. "Stan Brakhage est un créateur de cinéma subjectif et personnel parmi les plus forts et les plus influents. La perfection et la richesse de ses films rend le son superflu. La densité des images est telle qu'au contraire le son gênerait la vision. La poésie de Brakhage est l'expérience de la vision pure." - Stephen Dwoskin. "Brakhage a réalisé un corpus d'oeuvres silencieuses à la beauté fragile qui répond directement à notre besoin d'un cinéma intense, tendre et fervent, une exploration spirituelle où lumière, corps et pensée deviennent un. La puissance de ses oeuvres vient de la présence toujours fine de l'esprit. Le personnage principal de ses films est la plasticité du cinéma. La surface, la couleur, le rythme et l'image deviennent expériences pures en eux-mêmes. Il ne s'agit pas d'un avant-gardisme primaire mais d'une expression profonde de l'être." - Nathaniel Dorsky NIGHT MUSIC 1986, 0'30" Ce petit film (peint originellement en IMAX) tente de capturer la beauté de la tristesse, comme les yeux la voit lorsquils sont clos par la peine ou pour la méditation. Un travail de pensée visuelle en mouvement peint à la main, les couleurs et les formes courant, flottant et éclatant comme si elles étaient de feu ou deau, de la terre, du corps ou de lesprit. AUTUMNAL 1993, 5' Deux éléments composent ce film : 1) des photogrammes peints et des bouts de film peint, 2) des bouts de couleurs pures qui apparaissent plus comme de la lumière teintée que comme une représentation quelconque. Ces deux éléments sinterposent au montage afin de suggérer les changements saisonniers de la couleur des feuilles des arbres (du vert à lor en passant par le rouge et le brun) et du ciel (les bleus passant du chaud au froid). STUDY IN COLOR AND BLACK AND WHITE 1993, 2'30" Le titre est le seul moyen de décrire ce film peint et rephotographié à laide dune tireuse optique et qui dévoile quelques éclats de couleur (dans un espace noir) qui envahissent toute limage en des textures colorées se mêlant à des motifs produits par des rayures qui produisent une sensation extraordinaire despace intérieur et de mouvement en trois dimensions. THREE HOMERICS 1993, 6' Ce film se compose de trois sections créé pour accompagné un morceau de musique (de Barbara Feldman) sur un poème dHomère : 1) « Diane retient la nuit... » est représentée par des formes sombres supprimant (presque angulairement, interférant avec) des effusions de peinture orange dorée, et des formes aux couleurs vertes du petit matin (comme si lombre dun bras ou le profil de quelquun obscurcissait la lumière). 2) La représentation de la "mer houleuse..." est représentée par des peintures refilmées sur la truca en des fondus bleus évoquant des vagues, des bulles et le brun léger et vert tendres des algues et des épaves et, 3) « Oh encore lamour, la lumière » est représentée par lexplosion de multiples tons et lignes récurrentes interrompues par lapparition dun rougeoiement progressif. EPHEMERAL SOLIDITY 1993, 4'30" Il s'agit d'un des films peints les plus élaboré quant au montage de tous les derniers films. Une complexité haydenienne de variations thématiques sur un thème visuel (c'est-à-dire non-musical). THE HARROWING & TRYST HAUNT 1993, 6' "THE HARROWING" est un film peint à la main dont les images ont été rephotographiées pour créer une diversité de rythmes immitant l'étincellement de la roche en fusion. La centralité répétée de certaines formes peintes, et les explosions répétitives scintillantes du magma entourant les formes suggèrent un processus de déchirement. TRYST HAUNT": un film peint à la main et rephotographié image par image afin que les épaisses lignes de peinture jouent contre les zones pales centrales comme pour suggérer une clairière dans une forêt de branches (rapidement entrevue dans la forme répétitive du film). Un lieu de rendez-vous qui nous passe rapidement dans l'esprit comme un fantome. STELLAR 1993, 2'30" Film peint à la main dont les images ont été successivement rephotographiés pour accentuer des brefs effets de fondu et de fluidité du mouvement. Ces images peintes sont parfois répétées (pour des gros plans sur les effets de matière). La couleur primaire du film est bleu foncé et ce qui est peint est composé (et remicrophotographié) pour suggérer des formes galactiques dans un espace étoilé. BLACK ICE 1994, 2'30" J'ai perdu la vue à la suite d'une chute sur de la glace noire (et qui m'a conduit à une operation) et maintenant (à cause d'un sang trop peu épais) la plupart des pas que je fais dehors en hiver le sont avec effroi, très conscient de la glace noire. Ces méditations ont finalement produit ce film peint et tiré image par image. CHARTRES SERIES 1994, 9' Il y a un an et demi que le réalisateur Nick Dorski, apprenant que je devais aller en France, insista pour que j'aille voir la cathédrale de Chartres. Moi qui avait vu, il y a bien longtemps, des images dans les livres de ces splendides vitraux, de ces sculptures, de cette architecture, qui avais lu aussi trois fois le superbe livre de Henry Adams, j'ai donc vivement accepté et j'ai eu une expérience de quelques heures (dans la discrète compagnie du réalisateur français J-M Bouhours) qui a certainement transformé mon esthétique davantage qu'aucune autre expérience. A la mort de la soeur de Marilyn, alors que je ne pu me rendre aux funérailles, je m'assis seul et je commençai à peindre sur le film tout le jour, la mort dans l'âme... Chartres dans l'âme. Huit mois après la peinture était complète et sur les quatre petits films qui comprenaient un hommage à Chartres, une dédicace à Wendy Jull. NAUGHTS 1994, 5'30" Série de cinq films peints à la main et tirés à la truca image par image dont chacun a une texture qui, de façon tangible, est rien. Une série de negations, de ne, ou de noeuds, sans faire de jeu de mot, d'énergies autrement invisibles. (1) Le premier commence avec une sorte de brouillard de nuages qui s'élèverait. Un soulèvement ascendant semblable à une chute d'eau de formes éphémères et peintes qui se transformerait en une dureté rythmique et formelle. (2) Une progression de formes bleues surréelles qui disparaissent dans un mouvement venant en avant. (3) Une accumulation de formes cristallines, dans des couleurs primaires dégageant des flamboiements ascendants de lumières couleurs multiples qui ensemble suggèrent des impulsions extérieures. (4) un mur de lumières, rocheux et orange, et un flamboiement ascendant soudainement gelé et fondu. (5) Un mélange de formes cellulaires et cristallines interférants comme des couches de feu destructrices, qui devient embrumée, et finalement se transforme en un palimpseste de mélange d'illuminations. |